Morceaux choisis du roman :
Chapitre 1.
Tout au fond d’une mer à la pénombre rassurante, paresseusement posé sur un nid de galets, Eki était en train de brouter un tapis d’algues vertes succulentes. Il faut bien l'avouer : Eki était un petit oursin écarlate très gourmand et il consacrait l’essentiel de son temps à son activité favorite. Ce jour-là, comme tous les autres depuis sa naissance, il se régalait de son repas favori : un tapis de posidonies duveteuses. Un repas qu’il ne partageait jamais avec personne. Et en effet, personne n’aurait songé à disputer à Eki son festin. Sinon gare aux épines acérées !
L’oursineau, balancé par un léger mouvement des eaux, passait d’un galet à l’autre sans le moindre effort. C’était le paradis sous mer ! Il commençait même à somnoler, tout en mastiquant sa nourriture. Il était à deux doigts, ou à deux épines plutôt, de s’endormir, les mandibules dans son assiette, si l’on pouvait dire.
Mais tout à coup, le mouvement de la mer se fit plus fort et l’écarta de sa tâche. Eki crut d’abord au passage d’un de ces énormes bateaux que les hommes faisaient filer à la surface sans se préoccuper des dégâts provoqués dans les profondeurs. C’était quelque chose d’assez fréquent et Eki ne s’en alarma pas plus que cela. Mais le mouvement rageur reprit de plus belle et la lumière se fit plus vive dans les profondeurs. On y voyait beaucoup mieux que d’habitude ! Ce n’était plus ce vert profond, apaisant qu’Eki connaissait si bien. Le niveau de la mer avait brutalement baissé et les rayons du soleil pouvaient désormais traverser une eau d’un vert émeraude quasi translucide. Eki sentit monter sa température corporelle. Sa carapace devint soudain plus chaude. Il n’y comprenait rien. Que se passait-il ? Il n’était pas bien vieux certes mais un tel événement ne s’était jamais produit dans sa vie bien réglée. (...)
Chapitre 2
(...)
Ce jour-là, l’océan offrait un répit aux deux voyageurs. Pour la première fois, le courant semblait ralentir. Ils décidèrent de se reposer en se laissant bercer doucement par de faibles remous. On pouvait appeler cela : la sieste. Brusquement, au beau milieu de leur assoupissement, un javelot d’argent doté d’une pointe d’or transperça l’eau et passa à deux nageoires des deux dormeurs ! La violence de l’assaut les réveilla.
« Qu’est-ce que… ? gronda Orélie.
- Ah ! Chalut, chalut, chalut les potes, lança en chuintant un oiseau donc le bec planté au milieu d’un masque jaune tenait fermement un petit poisson étincelant. »
Devant Eki et Orélie médusés, c’était le cas de le dire, le gros volatile palmé goba sa proie et remonta comme une flèche vers la surface.
La méduse et l’oursin étaient encore plongés dans leur stupéfaction quand leur perturbateur de sieste réapparut de la même manière. Et hop ! il attrapa vivement une autre victime à écailles qu’il s’empressa d’avaler.
« Dites donc, dites donc, dites donc, dit-il au milieu de sa déglutition. C’est pas que je n’aime pas la plongée mais je respirerai mieux en haut. Vous me rejoignez les filles ? »
Et il fila vers le haut. Deux secondes après, on pouvait voir ses palmes et son ventre rebondi attendre à la surface. (...)
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